À Paris, j’ai retrouvé un appartement débarrassé de la plupart de ses meubles. Victoire avait fait le vide. Il n’y avait plus de lit, plus de casseroles, plus de shampooing, plus d’après. Il ne restait que la chatte affamée. Ses miaulements remplissaient difficilement tout cet espace. Je l’ai prise dans mes bras et elle m’a griffé la joue. Il y a des jours comme ça.
Mais l’essentiel n’était pas perdu : j’ai trouvé un verre, des glaçons dans le frigo et un fond de bourbon dans la grande tradition de la littérature nord-américaine. Je me suis assis par terre et j’ai récapitulé. Ce qu’il y a de bien dans les ruptures, c’est leur côté table rase. On peut faire le point avec soi-même. J’ai donc pas mal fait le point avec moi-même, puis je me suis endormi au milieu. Le téléphone m’a réveillé dans la grande tradition de l’intrigue simenonienne. C’était Anne : promesses éternelles, serments définitifs. Je me suis accroché, elle a raccroché. Mais l’essentiel n’était pas perdu : j’ai trouvé un verre (le même), des glaçons... Reprendre au début du paragraphe, hélas...
Je hais les mecs invulnérables. Je n’ai de respect que pour les ridicules, ceux qui ont la braguette ouverte dans les dîners snobs, qui reçoivent des crottes de pigeon sur la tête au moment d’embrasser, qui glissent chaque matin sur des peaux de banane. Le ridicule est le propre de l’homme. Quiconque n’est pas régulièrement la risée des foules ne mérite pas d’être considéré comme un être humain. Je dirais même plus : le seul moyen de savoir qu’on existe est de se rendre grotesque. C’est le cogito de l’homme moderne. Ridiculo ergo sum.
C’est dire si j’ai souvent conscience de ma propre existence.